Livre premier, interlude deuxième : comparution, par Melian Faeranduil

Rédigé par kaamlii -

La justice est en marche, et il sera difficile de se mettre en travers de son chemin.

Après nos aventures de retour des entrailles de la terre, nous profitons tous le fait d'être en vie autour d'un copieux petit déjeuner.

Trois coups secs à la porte sonnent le glas de cette parenthèse de sérénité et de tranquille convivialité.

Dans l'embrasure de la porte, un milicien, qui porte une enveloppe en main et nous la remet. Voyant le sceau de la ville, je m'imaginais une invitation à une cérémonie officielle pour reconnaître notre assistance et notre rôle actif dans le sauvetage de la ville de la menace qui s'éveillait en son sein.

J'étais loin de m'imaginer que...

  • "C'est une citation à comparaître devant le tribunal.".

Quoi ? Mais qu'est-ce que ...

  • "Nous sommes accusés de meurtre avec préméditation."

La lettre mentionne explicitement 6 personnes de l'Alliance Azur : Dagoth, Nyssa, Danouk, Hirilthar, Agnès et moi. L'alliance Azur est attaquée en justice, mais seuls ces noms apparaîssent dans la citation à comparaître, le chef d'accusation imputé à l'Alliance étant d'avoir fourni logistique et moyens pour mener l'assaut. Visiblement, toutes les personnes (ou presque) ayant fait partie de l'attaque sur la demeure de Falros sont accusées. Cela inclut également la guilde des guerriers. En l'absence funeste de feu son chef, un homme appelé Kurlen Lorne la représente.

Le doigt pris dans l'engrenage judiciaire, nous nous mettons en chasse d'un avocat pour nous représenter. Bizarrement, nous essuyons refus sur refus. Je ne comprends pas ce qui pousse les avocats à refuser notre défense, mais nous n'allons pas les contraindre, n'est-ce pas ? À ce point de notre histoire, la méthode Dagoth ne peut plus être utilisée.

Allions-nous devoir nous représenter nous-mêmes, ignares que nous étions des notions subtiles du droit ? La réponse vint d'un jeune homme, auquel nous n'aurions pas confié une pièce d'argent :

  • "Oui."

Le jeune homme, un avocat prénommé Bruno, venait de terminer ses études de droit et était en recherche d'un premier client. Je n'arrivais pas à déceler s'il était complètement téméraire, ou si au contraire c'était un incroyable courage. Etant donné notre réputation en ville (après tout, nous étions des meurtriers), notre défense était une lame à double tranchant au fil très acéré...

Nous prenons donc connaissance du dossier avec Bruno : nous sommes accusés de 18 meurtres, de 4 blessures ayant nécessité une amputation, 12 blessures plus "légères" et de la disparition de 17 personnes.

35 personnes. Nous avions tué 35 personnes. Je m'attache à ne laisser transparaître aucune réaction, mais je sens la flamme d'humanité en moi vaciller. N'étions-nous que des bouchers, tant aveuglés par le goût et l'odeur du sang que nous nous étions transformés en bourreaux, froids et méthodiques ?

  • "J'assume totalement ce que j'ai fait. Ce serait à refaire, je n'hésiterais pas une seule seconde."

Cette phrase, prononcée par Dagoth, ne me surprend pas mais la suite va profondément me choquer.

  • "Moi aussi."

Quasiment toute la compagnie se range derrière Dagoth, et nous débattons quelques courtes minutes sur le fait qu'il ne faut pas éprouver de culpabilité sur le champ de bataille, et que nous avions abattu des mafieux, etc... J'ai l'impression de basculer dans un froid néant, tellement la solitude m'étreint. Je comprends bien que cette phrase peut être interprétée de plusieurs manières, et que mes compagnons voulaient mettre en avant la survie du plus grand nombre face à une menace prégnante. Il n'empêche que cette spontanéité me glace le sang.

  • "Maître, qu'encourons-nous ?"
  • "La peine capitale."

Je n'en attendais pas moins pour un meurtre de masse ...

  • "Et serait-il possible de théoriquement commuer cette peine en exil ?"
  • "Théoriquement, oui, c'est possible."
  • "La prochaine fois qu'une ville est dans la merde, il ne faudra pas s'attendre à ce qu'on donne un coup de main !"

La sagesse barbare.

Au fur et à mesure que nous épluchons le dossier, nous en apprenons de plus en plus sur l'affaire. Le juge qui statuera s'appelle Cornélius, il vient d'arriver de Valfort avec une escorte de fiers guerriers. L'homme, à la carrure imposante, cache un visage émacié sous une barbe non moins imposante. Il laisse transparaître une imperméabilité aux émotions, et aux tentatives d'intimidation, digne émissaire du temple de Juggar. Tous les membres de son escorte arborent également un symbole de Juggar, tant symbole de leur autorité, qu'avertissement : "si vous vous opposez à moi, il faudra en assumer les conséquences". Le juge est assisté par la prêtresse Lyrena, qui vient de Fort Ponant. Il me semble qu'elle fait partie des personnes que nous avons délivrées après avoir vaincu Mahavor, mais je ne pourrais en être absolument sûr.

L'accusation est menée par le cabinet Bernstein & Torinor. Ce cabinet a été mandaté par un collectif de familles des victimes. On nous reproche la mort intentionnelle envers des employés de Falros. Une phrase résonne en moi : "vous vous comportez comme des justiciers pour votre propre vendetta".

Nous demandons le témoignage de Falros pour étayer le dossier, mais hélas, on nous informe que le gnome s'est évadé de prison. Voilà qui ne va pas arranger nos affaires, puisque le commanditaire n'est plus là pour expliquer ce qu'il a fait...

Le juge Cornélius de Valfort nous précise que l'instruction allait se dérouler sur plusieurs séances, et qu'avant le jugement, nous sommes libres de poursuivre nos activités pour l'Alliance Azur.

Bruno va faire son premier plaidoyer. Je dois dire qu'il s'efforce de nous défendre du mieux qu'il peut, et nous lui soufflons quelques informations-clé de temps à autre, afin d'étayer ses propos. Bruno commence à expliquer que Falros n'est qu'une étape sur une enquête de vol de morts-vivants et de corruption de la milice. Un événement imprévu se produit : l'assistante Lyrena tend alors un épais dossier au juge, qui l'accepte et lui retourne un regard noir. Les deux avocats de l'accusation ne savent quoi répondre à ce plaidoyer, et n'ont de cessse que de compulser leurs dossiers. On dirait bien que la défense marque un point.

Il semblerait également que nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes dans cette affaire, et qu'un renfort aussi impromptu qu'inattendu va nous épauler discrètement.

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