Livre premier, interlude troisième : romance, par Melian Faeranduil

Rédigé par kaamlii -

Mon cœur bat toujours. Encore plus fort désormais.

Je reçois une missive pour aller au temple, signée Tara.

À mon arrivée, je suis surpris d'être appelé par mon nom. "Bonjour Melian !" est une phrase que j'ai l'habitude d'entendre à l'Alliance, mais je ne m'étais pas encore rendu compte de ma "célébrité" ... Voilà qui commence admirablement bien la journée !

Tara m'aborde peu de temps après mon arrivée : "je constate avec joie que vous êtes toujours en vie". J'ai toujours le plus grand mal à déceler les émotions de la douce Tara. Je ne peux cependant m'empêcher de penser que ces mots sont sincères, et cela fait naître un certain trouble en moi.

Heureusement, je n'ai pas le temps de gamberger, puisqu'elle me guide vers la salle où je recevrai des sorts de protection. Le rituel de protection que j'ai reçu précédemment est en effet sur le point d'arriver à son terme, et il faut le renouveler. Je suis donc docilement Tara, attaché que je suis tant à ses mots qu'à son assurance.

Les prêtres ont pu investiguer l'origine de la malédiction : il semblerait qu'elle provienne d'une prêtre de Mercès et qu'elle date d'un mois. Je n'ai pas souvenir d'avoir énervé un prêtre de Mercès récemment (du moins, pas sciemment), on me dit qu'il peut très bien avoir été mandé par une personne pour me maudire ... Voilà qui n'arrange pas mes affaires.

Comme le disent très justement les sages : "ce n'est pas une simple petite adepte qui peut lancer une malédiction"... Ils me précisent également qu'il existe plusieurs manières d'être débarassé d'une malédiction : soit en étant patient (la malédiction peut arriver à son terme), soit en agissant de manière à dissiper le sort (pour toute malédicition, il existe une porte de sortie), soit ... En mourant.

Etant donné qu'un temple de Mercès est présent en ville, je me dis qu'il est temps de prendre le taureau par les cornes.

Le grand prêtre réalise donc à nouveau sur moi un sort de protection, et alors que je m'apprête à quitter le temple après avoir remercié les ecclésiastiques comme il se doit, Tara me prend par le bras. Comme à son habitude, elle réussit à me faire frissonner.

Il lui semble primesautier et désespéré d'aller directement au temple, mais je lui précise qu'il est nécessaire que j'y aille, ne serait-ce que pour ne pas regretter de ne pas y être allé.

De guerre lasse, elle me donne quelques informations sur le temple de Mercès. Il est dirigé par un humain d'un certain âge : Sirian Dubois, prêtre de son état. À la connaissance de Tara, il est la seule personne au temple qui aurait le niveau d'émettre une malédiction.

Je remercie chaudement Tara pour son aide, et je me dirige vers le temple de Mercès. Ce dernier est similaire en taille à celui de Phrysis. Sa structure diffère, en revanche : l'entrée est un parvis couvert, et fait office de marché, où les clients potentiels déambulent, et le corps du temple, dédié au recueillement est beaucoup plus calme.

Parmi les dizaines de personnes présentes, une attire mon regard instantanément, et j'oublie la raison de ma venue. Ses cheveux d'un blond pâle flottent au gré de ses mouvements sur une tunique pourpre. Elle porte également une cape gris perle, probable tentative de passer inaperçue. En ce qui me concerne, c'est raté.

Derrière elle, une femme d'un certain âge la chaperonne. L'aspect strict de son comportement tranche avec l'impression de liberté contenue que dégage la belle inconnue. Je ne peux résister et pars faire connaissance, sous l'oeil réprobateur du cerbère.

La belle inconnue s'appelle Shanys Pontdor. Ce nom m'est familier : son père est le dirigeant de la guilde des marchands... Mais le cœur a bien souvent ses raisons dont la raison n'a cure. Je me présente également, avec la galanterie qui lui est due. J'apprends également le nom de sa "gardienne", dame Buenaventa.

Etonnemment, Shanys aime mon choix vestimentaire (oserais-je penser "le choix vestimentaire de Tara" ?), et souhaite m'entendre jouer. Il me semble que c'est la première personne hors du temple de Phrysis qui montre un intérêt certain envers mon métier ...

Pour éviter que dame Buenaventa ne démette l'épaule de Shanys à force de l'éloigner de moi, nous convenons rapidement d'un code afin de communiquer ensemble. Je laisserai une missive à Ellie Espéha, une gnome qui recueille des chats. J'écrira la lettre comme si elle provenait de Gwenda, une amie d'enfance de Shanys.

Mes jambes sont de coton au retour à l'Alliance. Je n'ai pas du tout progressé sur la malédiction, mais cela m'est bien égal à ce moment là. Je m'asperge d'eau à la première fontaine venue, mais le contact glacé du liquide sur mon visage n'atténue en rien le sentiment de flottement que j'éprouve désormais.

À peine arrivé à l'Alliance, je reçois une mission : nous devons protéger un homme pour une tractation dans une auberge. Même si en mission j'ai du mal à percevoir le temps qui passe, je ressens tout de même une vive impatience de revoir Shanys.

Le soir de notre rendez-vous, mon cœeur bat la chamade. Dans un parc au cœeur de la ville, nous partageons un banc sous le crépuscule qui embrase le ciel de mille nuances rougeoyantes.

Je commence à jouer, et l'air s'emplit doucement de notes de musique, alors que l'espace qui nous sépare se réchauffe de plus en plus, malgré le jour déclinant.

Nous finissons côte à côte, et nous échangeons un baiser, dans ce cadre idyllique que tant elle que moi avons contribué à rendre réel.

Je n'entendis pas les pas arriver jusqu'à ce qu'il soit trop tard, et j'aperçois donc le père de Shanys, encadré comme toujours de sa garde prétorienne. Je me présente donc à l'homme, qui semble être surpris de me voir. "Il est censé être mort !", dit-il avant de commander à ses deux hommes d'armes de me frapper. La situation commence à devenir compliquée, d'autant plus lorsque j'entends des armes être dégainées dans mon dos. Je commence à me dire que c'est la fin, et adresse une prière silencieuse à Phrysis.

Une voix familière se fait entendre. Il s'agit de Tara, entourée de deux paladins du temple. Elle parvient à convaincre le père de Shanys de réfréner sa fureur belliciste. Les deux hommes rengainent, vite imités par le personnel du temple.

  • "Tu es censée être mariée dans une semaine ! Cette alliance fructueuse sera conclue, que tu le veuilles ou non !" aboie t'il à Shanys. "Je vais te déshériter !"
  • "Père, je vous propose un marché." L'homme, du haut de sa puissance, bout intérieurement. Sa propre fille est en train de lui dicter sa conduite. Il ne peut l'admettre, mais ne pas la laisser parler donnerait de lui une bien piètre image.
  • "Cela serait dommagrable pour votre réputation de savoir avec qui est votre fille ...", dit-elle, espiègle. Je ne sais pas très bien comment prendre ces quelques mots. Je vais m'imaginer qu'il s'agit de politique et que je n'en comprends pas encore très bien les nuances.
  • "Une semaine. Je me marie dans une semaine. Nous allons donc dire que cette semaine m'appartient, et qu'après seulement je me plierai à votre besoin d'alliance." Vaincu par la simplicité de ce raisonnement, le père n'a pas d'autre choix que de s'incliner.
  • "Très bien. Mais sache que si jamais vous étiez vus ensemble, les représailles seraient impitoyables. Pour l'une comme pour l'autre", profère-t'il en me fixant de son regard scrutateur.

Nous décidons de nous installer dans une chambre d'auberge, qui sera notre forteresse. Nous ne sommes pas censés être vus l'un avec l'autre ? Très bien, nous ne serons pas vus. Au début de la première nuit, je me rends compte qu'elle m'a offert sa pureté. Un ensemble de sentiments me submerge, je me sens honoré qu'elle m'accorde ce "privilège", et j'ai l'impression qu'elle est en quelque sorte sous ma responsabilité. Je l'étreint avec passion, et m'assure que ce moment s'est bien passé.

Nous passons quelques jours absolument délicieux, brièvement interrompus pour nous nourrir et dormir, nos deux corps luisants ne faisant qu'un dans une éternité de volupté.

Malheureusement, toute chose a une fin, y compris l'éternité. On me fait porter une missive, et voyant la griffe de Tara en bas de page, je m'arrache à cet abîme de plaisir que je peine à quitter.

Les mots de Tara sont comme toujours soigneusement pesés ; elle m'informe que la famille de Dagoth est menacée. Ce dernier a subi une attaque en pleine ville. Un archer a tiré à l'arc sur lui, Dagoth a décoché une boule de feu (est-ce étrange si je ne suis pas surpris que Dagoth fasse de la magie ?) et l'archer, déséquilibré et irrésistiblement attiré par le sol, chut malgré lui.

"Nous avons les moyens de vous faire souffrir sans s'en prendre directement à vous !", décocha-t'il en signe de défiance à l'imposante silhouette qui se dressait devant lui. J'ignore ce qu'il est advenu de l'archer, je n'en présume rien de bon.

  • "Je dois y aller, on a besoin de moi.".

Mes mots déchirent le silence qui était retombé dans la chambre.

  • "Quoi ?" réplique Shanys, dépitée.
  • "Je dois quitter la ville, je reviens aussi vite que possible, je te le promets."

Shanys ne répond pas, je me sens écartelé entre continuer à passer un des meilleurs moments de ma vie, ou aller aider ceux qui ont besoin de moi. Je sais très bien que je ne pourrais jamais me pardonner d'abandonner ceux qui m'ont demandé...

Je me prépare, silencieusement. Le moment heureux est à présent passé, il est à présent l'heure d'aider mes compagnons. Et quand bien même il s'agit de la personne qui m'effraie le plus du groupe, elle n'en n'est pas moins digne de compassion et de soutien.

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